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Petit racisme ordinaire

Petit racisme ordinaire
Photo d'archives


Vendredi, 11 h 40. Une jeune femme monte dans le bus 95 Bélanger et s’assoit sur le dernier banc à gauche, face aux passagers. Je l’appellerai Mme P. parce qu’elle a été menacée et prise en photo.

À Papineau, une joyeuse bande d’enfants monte à bord avec trois accompagnatrices. Garderie, CPE, camp de jour? L’histoire ne le dit pas.

Mme P. observe les petits mousses en goguette: des Asiatiques, quelques Arabes, des «p’tits Québec». C’est Montréal et nous sommes en 2016.

Dérapage en règle

Une accompagnatrice, appelons-la Mme Radio, s’arrête devant Mme P. L’appareil qu’elle porte au cou crache de la musique à tue-tête. Mme P. lui demande poliment de baisser le volume.

Mme Radio lui répond, sur un ton agressif: «C’est pour les enfants. Ça te dérange parce que c’est de la musique arabe? Tu es raciste?»

Mme P. (une Québécoise mariée à un Algérien) lui répond que même si c’était le cas, il n’en est pas moins inter­dit de faire jouer de la musique dans un autobus.

Mme Radio monte le volume encore plus fort, traite Mme P. de pute et l’abreuve de commentaires racistes, prenant à témoin un passager de race noire et une musulmane voilée.

Mme Radio colle son visage sur celui de Mme P. et, postillonnant avec intention, continue à l’injurier. Le chauffeur, avec doigté, essaie de calmer les choses.

Mme P. sort son téléphone pour filmer la scène. Elle capte Mme Radio pendant quelques secondes. On ne voit d’elle que sa robe d’été verte, sans manche et ses jambes nues, mais on l’entend dire «vous allez voir».

Mme Radio appelle la police. Mme P. l’imite. Mme Radio dit aux enfants que les policiers sont racistes, qu’il faut se méfier d’eux.

Ils débarquent. Les deux protagonistes et les témoins sont rencontrés. Aucune accusation ne sera portée. On dit à Mme P. qu’elle peut rentrer chez elle. Fin de l’incident.

Le SPVM confirme l’intervention.

The End.

Pourquoi raconter cela ?

Les journalistes aiment les anecdotes qui brisent les stéréotypes, qui mettent du WD-40 dans les relations interculturelles. Quand ces choses arrivent, le réfle­xe est de se taire. Pour ne pas jeter d’huile sur le feu. Erreur!

Ces bonnes intentions n’empêchent pas la nébuleuse Association musulmane et arabe pour la laïcité (AMAL) de lancer une pétition réclamant une commission d’enquête sur le «racisme systémique» des Québécois.

Un pas dans la bonne direction, ajoute Alexandre Cloutier, candidat à la chefferie du PQ, mais qui n’irait pas assez loin. Pardon?

Cas isolé ? Non

Le mois dernier, dans l’autobus 139 Pie-IX, à l’angle de Bélanger, une dame de 80 ans a été apostrophée de façon similaire quand elle a demandé que les enfants, que l’accompagnatrice avait fait asseoir par terre (!), la laissent passer.

Ces histoires sont troublantes parce que de jeunes enfants ont été mêlés à des incidents racistes par des personnes responsables de leur sécurité en l’absence de leurs parents. Parents qui ignorent probablement ce qu’il s’est passé vendredi dans le bus 95.

Si une accompagnatrice «de souche» avait agi de la sorte avec une passagère maghrébine, le Collectif contre l’islamophobie aurait hurlé au racisme.

Avec raison.

Il y a des racistes partout. Le dire est tout sauf raciste et le taire transforme les nouveaux Québécois en victimes d’un phénomène peu connu ici appelé «racisme des moindres attentes».

Comme si on ne pouvait s’attendre à mieux de leur part. Ce qui est faux, dangereux et méprisant.

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